mardi 29 avril 2008

Mais qu’est ce qui cloche ?




Vu d'ici le problème du Cameroun (de l'Afrique noire ?) semble encore plus insoluble et en même temps la solution parait à portée de la main.
Insoluble, parce qu'outre l'exploitation par les pays développés (ne disons plus pays du nord car la chine commence à participer au pillage) et la corruption des dirigeants, le Cameroun est confronté à la sorcellerie.
Ici l'équité sociale se fait par le bas, le frère qui commence à gagner trop d'argent et prendre trop de pouvoir est frappé par la sorcellerie (on l'empoissonne lui ou ses bêtes).

Pourtant, cela donne l'impression qu'il manque peu de chose pour que ça décolle et même si les choses bougent trop lentement il y a des progrès sur la santé, scolarisation...
Le problème est que, sans la possibilité d'épargner beaucoup et avec la crainte de la jalousie des frères, les villageois ont peu la possibilité de faire des projets (et quand ils ont l'argent, ils préfèrent des investissements personnels, moto, moulin à manioc…).

La situation des gens ici reste donc extrêmement précaire. La semaine de mon départ 4 personnes sont mortes à Djémiong (qui en compte 500). Une par incapacité de l'hôpital local et une (du palu) par "négligence". Ses fils ont préféré l'emmener chez un guérisseur, puis comme cela ne marchait pas, ont essayer de l'emmener à l'hôpital mais trop tard.
Les foyers n'ont aucune trésorerie d'avance et doivent tout gérer au jour le jour. Ainsi ils sont obligés de vendre aux vendeurs ambulants qui profitent de la situation et imposent des prix très bas.

- Page sportive -
(Et oui, comme au journal de 20h on passe de la pauvreté dans le monde aux résultats de foot.)
A Gouté on joue au fout assez souvent. Il n'y a pas de terrain donc on joue là.

Pendant mon séjour nous avons joué contre Bamékok le village voisin. Ceux qui connaissent mes aptitudes au fout imaginent bien que j'ai pas servi à grand choses sur le terrain mais bon on a quand même gagné 2/0.

- L'idole des jeunes -
Au village j'ai ramené la guitare mais c'est difficile de marier la chanson française au "coupé décalé" local (en fait le "coupé décalé" c'est ivoirien mais bon).
J'ai tout de même réussi à faire pogoter une vingtaine d'enfants, sur "Supplique pour être enterré à la plage se Sète", un soir où ils avaient investit ma chambre.
A part ça l'engouement pour Brassens reste limité. Nous n'avons en commun dans nos répertoire que "tu es là au coeur de nos vies" tiré de leur livres de messes. Ainsi, dans la ligne droite des prêtres blancs je poursuis l'évangélisation de l'Afrique. Qui l'eut cru?

A propos de religions il ne faut pas longtemps pour comprendre pourquoi l'église a ici plus de succès qu'en France. Les gens y rient, parlent, dansent, répondent au catéchiste ou dorment s'ils le souhaitent. De même pour la fête de Pâques (la plus festive au quelle j'ai assisté) absolument tout le village fait la fête et bois dans la nuit. Ce soir là l'homme qui me conduit en moto, me confie "entre nous" qu'il n'y a pas de freins sur sa moto mais qu'il va arranger ça.

- Régime bananier -
A Djémiong, les bananes constituent la quasi totalité de mon régime alimentaire (le reste étant la viande, des feuilles et la sauce). 3 à 4 bananes au petit déj (et au Gouté) et de la banane plantain pour les repas. Pour varier il y a aussi la banane rouge appelée "gros Michel" qui est deux fois plus épaisse sent le gaz de cuisine et, vous vous en douterez est rouge.
A part les fruits, il n'y a ni sucre, ni de sucrerie ni tout autre chose qui pourrait donner du travail à un dentiste (et pourtant certains ont les dents pourries). J’avais donc ramené un petit Toblerone (taxé dans l’avion) dont je gérait le nombre de pic de manière à échelonner les doses jusqu’au retour à Yaoundé.
Après une semaine des fourmis ont fait main basse sur mon chocolat me coupant définitivement du mon de du sucré. Ce fut un cap difficile à passer.

-La page qui fâche-
Pour ceux qui avaient suivi les évènements il y a deux mois, il faut savoir que tout c'est arrangé.
La constitution a été modifiée à la hâte la semaine dernière. Le président peut donc se représenter en 2011 (date à laquelle il aura fait 30 de pouvoir) et acquis une immunité total (mais ça n'a rien d'exotique, un certain Jaque C. avait fait pareil).
Les opposants, cassés par la répression, n'ont pas levé le petit doigt (mis à part les syndicats étudiants qui ont déposé un préavis de grève et se sont fait renvoyer de la fac puis péter la gueule et embarquer par l'armée).

A plus !

lundi 7 avril 2008

Retour à Yaounde (ca c'est du titre!)


Me voici de retour a Yaounde après un mois passé au village.
Tout est calme mais la présence militaire est importante car le projet de réforme de la constitution va être voté cette semaine. Des problèmes sont à prévoir.

- Géométrie variable -
En arrivant au Cameroun, et a plus forte raison dans l'est forestier, l'homme occidentale (formule politiquement correcte remplacée ici par "le blanc" ou "patron") voit bon nombres de ses repères mis à mal
Comme chacun sait le temps est une notion floue et variable. Ainsi on dit qu'il est 8h plus ou 8h moins, d'avantage de précision n'aurait pas vraiment d'intérêt. De même on ne dit pas attendre le bus mais attendre une occasion, car on ne sait pas quand il passera ni si il ne sera pas déjà surchargé. Surtout enfin, parce qu'il suffit de de monter dans le premier véhicule vide qui se présente.
De même la famille est une notion extensible à souhait. Ainsi on me parlait souvent de mon beau père au village. Au bout d'un moment, comme je voyais pas de qui il s'agissait j'ai demandé. Etonné de ma question, on m'a explique que la fille de mon beau père avait épousé mon frère, un français. Etant le frère de tous les français de ma génération, je suis en toute logique le beau fils du beau père de mon frère, imparable.
En se penchant sur cette question on arrive à la conclusion que, si une irakienne et un américain (ou inversement) se sont mariés, Sadam était le beau frère de Bush. Faire pendre son beau frère tout de même ça fait froid dans le dos.

- La troisième les vaut toutes -
Pour mon troisième retour du village j'ai été contraint de "prendre une occasion" et je pense avoir utiliser le moyen de transport le plus chaotique au monde : le grumier.
En fait, les dizaines de tonnes de bois sur la remorque bondissent sur les bosses et secouent la cabine comme un panier à salade. A l'intérieur, tout vole au son de la musique (de la pop africaine, un régale), les occupants, fleures en plastique les bâtons de manioc et les innombrables K7.
Après 3h30 et 60 km, l'arrivée est un vrai soulagement pour le dos et les oreilles. Il ne reste plus que 6h de bus.

- On s'habitue à tout -
Ici l'après midi est exclusivement dédié à l'attente et tout et fait en conséquence. Les règles adaptées des petits chevaux en font un jeu interminable, les discussions sont interminables, les blancs dans les discussions sont interminables et bien sur les siestes sont interminables. En toute franchise, les gens ne disent pas "passer le temps" mais "perdre le temps".
La personne pressé se voie irrémédiablement freinée par la torpeur générale et si elle doit marchander paye le prix de son empressement. On s'habitue donc à attendre mais aussi à faire attendre. Monsieur le sous préfet ne manquera pas de trouver normal d'avoir une heure de retard (et effectivement il trouve même étrange de ma part de s'excuser).

Le problème est que l'on s'habitue aussi à ce qu'il ne faudrait pas, se faire appeler monsieur, se faire offrir les 3/4 du plat de viande, la meilleur place dans le bus et tout un tas de privilèges réservés aux blanc. Pire tu es bien content de profiter de facilités qui te choquaient au départ : solidarité blanc en brousse, quartier blanc à Yaounde (surtout pendant les évènements)...
On m'avait dit que beaucoup de forestiers devenaient racistes, il faut dire qu'ils travaillent dans un milieu ou la ségrégation est une réalité qui empêche un véritable échange.
Heureusement, dans le village la situation est différente et les discussion permettent de lever les clichés solidement encrés et de se comprendre mutuellement (même si les villageois me trouve compliqué et réciproquement bien entendu).

- Mais qu'est ce que tu fabriques? -
Puisque beaucoup de gens me posent la question je vais y répondre.
Je pense qu'on peut dire que je fais de la GVSP (Gestion du Vivant et Stratégie Patrimoniale ou Gestion du vent et stratégie du Pipo pour les médisants).
En fait une exploitation forestières c'est implantée dans la zone d'étude rendant illégale la présence des villageois qui étaient pourtant là avant. De plus l'activité de cette exploitation (et surtout sa piste forestière) a attiré de nouveaux venus dont la présence est tout aussi illégale sur la zone.
En gros l'exploitation forestière qui veut être labelisée FSC ( production de bois étique) ne peut pas chasser ces populations et dois travailler avec elles. Le but du travail et de faire un état du problème pour aider villageois et forestier a trouver une solution ensemble.

Le village sous la pluie en fin d'après midi. La photo en taille normal est plus jolie. On voit quand même que quand il pleut il fait quasiment noir. C'est l'occasion de journées encore moins actives que habituellement.

J'ai plein d'autres choses à dire mais comme vous devez en avoir marre de lire je vais m'arrêter là.

A bientôt

Vincent