vendredi 23 mai 2008

Les états d’âmes d’un petit blanc

Une des conclusions de cette moitié d’année passée ici est que j’aurais du mal à travailler en Afrique.
Ce n’est pas que je sois mal ici, mais être étranger, et surtout être blanc, demande une énergie au quotidien. Tu es tour à tour le blanc qui a de l’argent, le blanc qui paye de l’alcool, le blanc qui sait comment aller en France ou le blanc qui exploite les noirs et rarement autre chose.

Après trois mois au village le mec avec qui je bosse m’a dit que je venais pour me faire plein de thunes sur leur dos même si il ne savait pas trop comment. Ce sentiment est très partagé dans le village et ca explique qu’ils attendent une part des bénéfices.
De plus, ici, il est tout à fait normal de taxer la famille ou les amis quand ils ont de l’argent. Et comme maintenant « je fais partie de la famille »…

Je fais tout pour éviter cette relation d’intérêt mais c’est rare qu’elle ne soit pas en trame de fond (et même quand elle n’y est pas, le fait que j’y pense est déjà une barrière).

En lisant ces lignes on pourrait croire à des signes précurseurs d’une grosse dépression mais bizarrement c’est tout le contraire. Elles traduisent une réflexion que je me suis faite au village, pendant qu’un vieux me saouler depuis un moment à me demander de lui offrir un avion (il était un peu ivre mais l’idée reste la même).
Je suis plus que jamais étranger mais maintenant j’assume ce statut et ce qu’il implique. Il était illusoire de penser pouvoir se fondre dans la masse, se faire oublier, et bien tant pis. En acceptant ce statut d’étranger, je peux dire ce qui me gêne, moi, avec ma vision européenne (en gros ce qui est écrit plus haut).
Depuis que j’ai mis ces idées au clair et que j’en ai parlé avec les gens au village les choses sont beaucoup plus simple. C’est étrange, depuis que je revendique cette différence les gens sont encore d’avantage accueillants et moins relous au niveau des commandes d’avions.

(Je sais pas si j’arrive bien à faire comprendre ce que je pense, c’est tellement éloigné de ce que pouvait penser avant de partir que je doute que quelques lignes puissent l’expliquer.)

- Hôtel 4 étoiles -
Dans la même journée que celle de la discussion avec le vieux relou qui voulait être pilote, il y a eut un orage et j’ai pour la première fois pris ma douche sous la gouttière. C’était vraiment super agréable. Rapidement tu te rends compte que c’est en fait comme une douche qui serait froide avec un débit merdique mais au début quel luxe ! En plus le repas qui a suivi était un guacamole trop bon et en quantités astronomiques. Pour un peu on en oublierait les moustiques.

- Lourdeur d’administratif -
Pour obtenir un Visa pour le Cameroun un français doit obtenir un certificat d’hébergement. Cela peut sembler inutile et pénible (ce qui est vrai) mai il faut savoir qu’un camerounais doit fournir, pour obtenir le Visa touristique, une somme important en traveller chèques et 3 relevés de comptes, un certificat de mariage, un certificat de bonne santé et une caution de rapatriement. Même pour les touristes on n’accueil pas les pauvre ou les célibataires et encore moins les séropositifs !
De mon côté je suis allé au bureau de l’émi-imigration mais comme il était 2h15 un vendredi après midi, celui qui dit à celle qui tamponne de tamponner était déjà partit. Avec un désintérêt total pour le sujet on nous fait comprendre que VRAIMENT c’est pas possible de faire ca aujourd’hui et que VRAIMENT on aurait quand même pu prévoir qu’un vendredi après midi ca n’allait pas être possible.
J’étais résigné et quand même intérieurement super énervé contre cette femme qui faisait rien mais alors rien du tout de sa journée et qui pouvait pas poser son tampon.
Habitué des lieux, Joseph qui m’accompagnait est allé voir la chef de celui qui dit à celle qui tamponne de tamponner
Alors, avec une infinie lenteur et des yeux noirs celle qui tamponne c’est mise à tamponner sans son chef. En partant je lui ai lancé un merci qui je pense a été pris pour de la provocation.

5 commentaires:

Stéphanie a dit…

(Désolée pour la manoeuvre douteuse!)

Et bien depuis mon Sénégal voisin, moi je te comprends tout à fait! Je pense quand même que j'aimerais bien revenir travailler en Afrique, mais c'est vrai que les relations ne sont pas aussi simples que ce à quoi on pourrait s'attendre (ou alors elles sont aussi compliquées que ce à quoi on pourrait s'attendre, je ne sais plus très bien à quoi je m'attendais)...
Les gens ont beau être super accueillants ici, tu restes toujours celui qui a ENORMEMENT d'argent, ou parfois celui qui a colonisé le pays. Ici ce n'est pas allé jusqu'à la commande d'avion, mais on m'a quand même demandé pas mal de trucs... Le "ah, au fait, tu m'enverras un ordinateur portable quand tu rentreras en France, hein!" venant de gens que tu penses bien connaître et avec qui tu avais l'impression d'avoir une relation "normale", ça fait toujours plaisir!
Enfin bref, en même temps ça fait partie de l'expérience, et personnellement ça me fait encore plus réfléchir à pas mal de choses à propos des gens qui se retrouvent immigrés en France, dans un monde tellement différent de chez eux, et qui eux, en plus, n'ont pas franchement choisi d'aller y habiter de gaité de coeur...

Bises,
Stef

Anonyme a dit…

Rien à dire... Si ce n'est que j'ai l'impression de revenir un an et demi en arrière en rentrant du Cameroun... C'qu'y est sûr c'est qu'on en aura des choses à se dire en rentrant...
Besos,
Bout'

David a dit…

Salut vincent,
c'est David (2a en erasmus a Vienne pour encore qq semaines, celui qui avait pris ta succesion à la cellule wei). je viens de trouver ton blog et de le lire entièrement. je pars au Cameroun le 7 aout (pour Bakogo , province du sud ouest), donc tes derniers articles m'ont particulièrement intéressé. Tes artciles m'ont rappelé un vieux baroudeur qui avait passé toute sa vie a trvaersé l'Afrique et quelques heures à parler avec moi. Même si tout n'est pas rose, ça a stimulé momn impatience de te lire.
Continue à donner de tes nouvelles, je les attends.
et poou finir je dis "bite" parce que sinon mon com détonnera un peu parmi ceux de mouille et de denys ; )

Anonyme a dit…

vincent prout,
ce que tu dis a propos du fait d'etre de maniere EVIDENTE un etranger me fait un peu penser a ma situation parfois. Ici, quand les gens me regardent, je peux etre :
petit 1 americain dans le sens "kikoo je suis la pour t'enculer"
petit 2 chilien riche (oui, je ne sais pas pourquoi, mais les chiliens blonds sont TOUS surriches)
Donc, dans la rue, la foule me hait. Mais ca va, on s'y fait. Sauf quand tu vas voir les gens sur le terrain et qu'ils croient que ton papa va aller installer une usine dans leur village car ils sont tres pauvres ("aaah ce qu'ils nous faudrait ici ce serait une usine allemande" parce que ils ont deja oublie que tu etais francais, tu viens juste "de la-haut").
Bon, j'exagere un peu, car (mis a part avec ce qu'on peut appeler crument "les pauvres de Santiago") l'accueil est plutot chaleureux.

Sinon, quand jai lu ca : "Tu es tour à tour le blanc qui a de l’argent, le blanc qui paye de l’alcool, ou le blanc qui exploite les noirs", j'ai cru que, en vrai, au cours de ton stage, tu etais passé par des phases comme ca. Je trouvais ca plutot drole (je suis d'ailleurs un peu decu que tu n'aies pas vraiment exploité de noir).


Phabien.

Anonyme a dit…

Quand j'ai "passe" mon permis au NIgeria, on ne pouvait pas l'obtenir depuis plus de 3 mois car la machine a plastifier les permis etait cassee et en route pour la capitale pour etre reparee... Et quand j'ai fait ma photo d'identite pour le permis, le gars m'a demande si je voulais des fleurs ou un coucher de soleil en fond :) Moi je pense que je reviendrai car meme si effectivemment on ressent enormement la difference parfois, je ne sais pas pour le Cameroun mais au Nigeria, ce sont les gens les plus accueillants du monde et meme si ils n'ont rien, ils te donneraient tout et je pense que dans les villages ils n'ont pas encore trop cette idee de blanc riche car la plupart n'ont jamais vu de blanc ! Par contre c'est clair que les villes... la fille de mon patron m'avait demande si je pouvais lui donner tous mes bijoux en partant. Enfin, en tout cas, tout ca, ca va faire plein de soirees au coin du feu a raconter des aventures. A plouch